Nouveau projet de loi sur le harcèlement moral au travail

Au Luxembourg, il n’existait jusqu’à présent pas de cadre légal en matière d’harcèlement moral (contrairement aux pays voisins du Grand-Duché du Luxembourg et contrairement au harcèlement sexuel dont le cadre légal existe au Luxembourg depuis 2008).

Les tribunaux luxembourgeois utilisaient, jusqu’à présent, l’argument de l’exécution de la convention de bonne foi ou l’obligation de l’employeur d’assurer la santé des salariés sur le lieu du travail, pour sanctionner un employeur qui se seraient rendu responsable envers un salarié d’un acte d’harcèlement moral.

Contrairement au harcèlement sexuel sur le lieu de travail, le régime du harcèlement moral n’offrait pas de protection aux salariés (notamment contre le licenciement) qui se plaignaient contre un acte d’harcèlement. De plus, la charge de la preuve du harcèlement moral incombait à la victime.

Un projet de loi déposé en date du 23 juillet 2021 a pour vocation de définir les contours de la notion de harcèlement moral ainsi que d’apporter une véritable protection des salariés victimes.

La notion de harcèlement moral

Les personnes concernées

Le projet de loi se calque sur les dispositions du Code du travail concernant le harcèlement sexuel pour définir les personnes qui peuvent être potentiellement victimes de harcèlement moral à savoir :

  • les salariés,
  • les stagiaires,
  • les apprentis,
  • les élèves et étudiants occuper pendant les vacances scolaires

Le but étant de protéger les parties faibles dans les relations de travail, les personnes ci-dessus pourront se prévaloir de harcèlement moral à leur égard.

Les éléments constitutifs de la notion de harcèlement moral

Au sens du projet de loi, trois éléments sont nécessaires afin d’établir la présence d’un harcèlement moral :

  • Un comportement, un acte ou toute conduite ayant lieu pendant le temps de travail qui comprend les heures de travail contractuelles mais également pendant le temps consacré aux voyages professionnels, aux formations, aux communications en lien ou du fait du travail par quelque moyen que ce soit et même en dehors du temps de travail normal,
  • Une répétition ou une systématisation,
  • Une atteinte à la dignité ou à l’intégrité psychique ou physique d’une personne en créant un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant, ainsi que des agissements répétés qui ont pour but ou pour effet une dégradation des conditions de travail, susceptible de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Ainsi, un cas isolé ne tomberait pas sous la définition légale actuelle du harcèlement moral.

La jurisprudence en matière d’harcèlement moral était plus nuancée et avait précédemment admis qu’un fait isolé pouvait également constituer un acte d’harcèlement moral et que le caractère répété n’était pas forcément requis (p.ex. Cour d’appel 18 janvier 2018 n°41738 dans un cas où un employeur avait engagé une salariée comme attaché de direction, mais avait affecté la salariée en question, par la suite, à un poste de secrétaire dans le service facturation).

Il faudra attendre la version finale de la loi pour voir si cette définition légale est maintenue.

L’obligation d’agir contre le harcèlement moral

La prévention

Avant même la survenance de tout cas de harcèlement moral, à l’instar des dispositions sur le harcèlement sexuel, le projet de loi prévoit l’obligation pour les salariés et les employeurs de d’abstenir de harceler moralement.

L’employeur détermine après information et consultation de la délégation du personnel ou, à défaut, de l’ensemble du personnel, les mesures à prendre pour protéger les salariés contre le harcèlement moral au travail.

La délégation du personnel, s’il en existe, est chargée de veiller à la protection du personnel salarié contre le harcèlement moral à l’occasion des relations de travail.

À cet effet, elle peut proposer à l’employeur toute action de prévention qui est juge nécessaire.

Les mesures post harcèlement

Les mesures à prendre par l’employeur

En présence d’un cas de harcèlement moral, le projet de loi prévoit une obligation à la charge de l’employeur, de faire cesser tous faits de harcèlement moral portés à sa connaissance.

L’employeur dispose en temps normal, d’un large panel de mesures afin, de faire cesser les faits de harcèlement moral et de protéger le salarié victime. Cependant, en aucun cas ces mesures ne peuvent être prises au détriment de la victime du harcèlement.

Le projet de loi prévoit encore qu’en cas de survenance d’un comportement de harcèlement moral envers un salarié, l’employeur procède à une évaluation interne qui porte sur l’efficacité des mesures de prévention ainsi que sur la mise en œuvre éventuelle de nouvelles mesures de prévention à prendre notamment par rapport à l’organisation de l’entreprise à la révision des procédures appliquées en cas de harcèlement moral ainsi qu’à l’information des salariés.

Le projet de loi prévoit encore que lorsqu’un comportement de harcèlement moral au travail est porté à la connaissance de l’employeur, celui-ci doit prendre les mesures appropriées, pour faire cesser immédiatement les actes de harcèlement moral.

  1. En cas d’inaction de l’employeur

En cas de harcèlement moral, deux possibilités s’offrent au salarié victime.

Si le harcèlement moral au travail subsiste après la mise en œuvre des mesures ou si l’employeur s’abstient de prendre les mesures adéquates, le salarié concerné ou la délégation, après accord du salarié concerné, peut saisir l’inspection du travail et des mines (l’ « ITM »).

L’ITM dressera alors un rapport (après avoir entendus les différentes parties, en ce compris les salariés de l’entreprise) dans les 45 jours de sa saisine, avec, le cas échéant, un ordre exprès à prendre des mesures nécessaires pour faire cesser les actes d’harcèlement moral dans un délai imparti, sous injonction et sous peine d’amende.

Il est à noter que, en sus de l’amende administrative qui pourra être prononcée par l’ITM directement, le harcèlement moral sera également punissable d’une amende pénale d’un montant de 251 à 2.500 euros (et maximum le double en cas de récidive endéans deux ans).

Le salarié qui fait l’objet d’un harcèlement moral peut également refuser de poursuivre l’exécution du contrat de travail et résilier le contrat de travail sans préavis pour motif grave avec dommages et intérêts à charge de l’employeur dont la faute a occasionné la résiliation immédiate.

Le salarié pourra formuler une demande de dommages et intérêts spécifique pour le harcèlement moral, qui ne se confondra pas avec sa demande et intérêts en relation causale avec le licenciement abusif. Selon le projet de loi, ces deux catégories de demandes de dommages et intérêts seraient donc cumulables.

La protection du salarié victime contre le licenciement

Le projet de loi prévoit également une protection additionnelle du salarié victime d’un harcèlement moral en interdisant strictement les représailles envers le salarié victime, en raison des protestations ou refus opposé à un comportement de harcèlement moral (il s’agit de la même protection qu’existant actuellement en matière d’harcèlement sexuel).

La même protection est prévue pour un salarié qui aurait témoigné des faits relatifs au harcèlement moral.

Si l’employeur devait néanmoins licencier le salarié pour ces causes, le salarié en question bénéficierait d’une action en nullité contre ce licenciement, qui devra être introduit endéans 15 jours de la notification de la résiliation du contrat de travail devant le Président de la juridiction du travail. Le Président du tribunal du travail pourra ordonner le maintien ou la réintégration du salarié.