Réforme du droit du travail : Ce qui change avec la loi du 8 avril 2018

La loi du 8 avril 2018 vient apporter quelques changements en droit du travail luxembourgeois.

Les objectifs du législateur, dans le cadre de cette loi, sont les suivants (projet de loi 7086, exposé des motifs) :

  • mieux protéger les droits des salariés;
  • améliorer l’efficacité des mesures pour l’emploi en favorisant l’insertion sur le marché du travail notamment des catégories de chômeurs les plus vulnérables
  • assurer une meilleure connaissance de l’évolution du marché du travail permettant ainsi la mise en œuvre de politiques mieux ciblées

Les principales réformes initiées dans le cadre de ce projet de loi portent sur les points suivants :

  1. Egalité de traitement entre un salarié qui démissionne pour faute grave de l’employeur et le salarié injustement licencié pour faute grave
  2. Nouvelles conditions pour l’accès à l’aide temporaire au réemploi et en cas de réembauche suite à un stage de professionnalisation

Nouvelles règles pour le maintien intégral de salaire du salarié malade ou accident

  1. Egalité de traitement entre un salarié qui démissionne pour faute grave de l’employeur et le salarié injustement licencié pour faute grave

Cette modification fait suite à deux arrêts de la Cour Constitutionnelle luxembourgeoise. La Cour Constitutionnelle était en effet arrivée à la conclusion que l’article L.124-6 du Code du Travail consacrait une différence de traitement entre un salarié qui démissionne pour faute grave de son employeur et le salarié qui était licencié pour faute grave et pour lequel ce licenciement était déclaré abusif par les tribunaux.

En effet, avant la réforme, le Code du Travail ne prévoyait pas que le salarié démissionnaire pour faute grave de l’employeur, et lorsque cette démission était reconnue comme justifiée par la faute de l’employeur, était en droit de percevoir une indemnité compensatoire de préavis et une indemnité de départ.

Ce même salarié sera dorénavant également en droit de solliciter du président du Tribunal du travail l’autorisation de percevoir à titre provisoire le bénéfice des indemnités de chômage complet, jusqu’à ce qu’il soit statué au fond sur le bienfondé de sa démission.

Exemple :

Salarié avec 6 années d’ancienneté démissionne avec effet immédiat suite au non-paiement du salaire par son employeur.

Un recours judiciaire est intenté et le tribunal du travail estime que la résiliation par le salarié pour faute grave de l’employeur est justifiée.

Avant la réforme : le salarié avait droit à une indemnité pour le dommage matériel et moral causé par la faute de l’employeur.

Après la réforme : le salarié a droit à une indemnité pour le dommage matériel et moral causé par la faute de l’employeur ainsi qu’à une indemnité compensatoire de préavis (4 mois de salaire) et une indemnité de départ (1 mois de salaire).

En complément de cette réforme concernant la situation du salarié démissionnaire,  viennent encore s’ajouter 2 autres points :

  • Obligation de l’employeur de rembourser les indemnités de chômage perçus par le salarié pour la ou les périodes couvertes par les salaires ou indemnités que l’employeur est tenu de verser en application du jugement ou de l’arrêt.
  • Inopposabilité à l’Etat d’une éventuelle transaction entre le salarié et l’employeur en vue d’éviter une procédure judiciaire. Il était en effet fréquent que le salarié et l’employeur concluent une transaction entre eux mais que le Fonds pour l’Emploi ne soit pas remboursé pour les indemnités de chômages payées au salarié.

Dans ce cas, suite à la réforme, si un désistement intervient de la part du salarié et que celui-ci est le résultat d’une transaction conclue entre l’employeur et le salarié, chacun d’eux sera tenu de rembourser à l’Etat pour moitié les indemnités de chômage que le salarié aura été autorisé à percevoir par provision

2. Nouvelles conditions pour l’accès à l’aide temporaire au réemploi et en cas de réembauche suite à un stage de professionnalisation

Pour rappel, cette aide consentie a pour finalité d’encourager les salariés faisant l’objet d’un licenciement pour motif économique ou menacés de façon immédiate de faire l’objet d’un tel licenciement à accepter un emploi moins bien rémunéré.

Toutefois, il a été constaté que la possibilité de recourir à cette aide avait donné lieu à certains abus en prenant la forme d’une subvention de salaire.

La conséquence directe est qu’après l’expiration de la période de paiement de l’aide au réemploi, le salaire effectivement payé par l’employeur était toujours loin d’atteindre le salaire augmenté de l’aide au réemploi.

Les personnes n’avaient donc souvent que le choix entre, soit accepter un salaire qui ne correspond ni à leurs compétences ni à la qualité du travail presté, soit de quitter l’emploi.

Afin d’éviter de telles situations, la réforme de l’aide au réemploi consiste à amener l’employeur à payer un salaire „réaliste“ qui, s’il est inférieur au salaire gagné précédemment, doit néanmoins prendre en compte l’expérience et les compétences du salarié bénéficiaire de l’aide au réemploi dont l’objectif est d’atténuer la différence qui peut exister entre les rémunérations en question.

Comme l’aide est accordée pendant 48 mois, ce laps de temps doit permettre de rapprocher le nouveau salaire payé par l’employeur de l’ancien salaire perçu. Or, ceci n’est pas possible si l’écart est trop important, d’où la nécessité de limiter le montant payé au titre de l’aide au réemploi au niveau de la moitié du salaire payé par le nouvel employeur (article 541-10 (3) du Code du Travail).

Une autre réforme concerne le remboursement par l’Etat d’une partie du salaire après un stage de professionnalisation.

En effet, la loi du 20 juillet 2017 portant modification du Code du Travail avait élargi le bénéfice du stage de professionnalisation aux demandeurs d’emploi entre 30 et 45 ans.

Ceci dit, cette réforme avait également permis aux employeurs de ces mêmes personnes de bénéficier d’une aide financière en cas d’embauche suite à un stage de professionnalisation.

La réforme vient limiter cette aide (remboursement de 50% du salaire minimum pour 12 mois) aux demandeurs d’emploi d’au moins 45 ans qui se feront embaucher en contrat à durée indéterminée suite à un stage de professionnalisation.

3. Nouvelles règles pour le maintien intégral de salaire du salarié malade ou accidenté

La réforme qui avait abouti au statut unique avec créé une incertitude juridique que la réforme a clarifiée.

En effet, cette insécurité juridique avait amené un grand nombre de salarié à intenter des recours judiciaires pour le calcul  du montant redû en cas d’absence pour maladie.

La réforme a donc pris soin d’énoncer précisément les règles de calcul du maintien du salaire intégral en cas de maladie du salarié.

La réforme introduit donc une distinction entre :

  • les salariés disposant de leur horaire en début de mois ;
  • les salariés ne disposant pas de leur horaire en début de mois ; et
  • les salariés travaillant à la tâche, au rendement, ou dont le salaire est fixé en pourcentage, dépend du chiffre d’affaires ou est soumis à des variations prononcées ;

et donne pour chacune de ces catégories, une définition précise de ce qu’il faut entendre par maintien intégral du salaire et des éléments devant être pris en compte pour le calcul de la rémunération due au salarié en pareil cas.

A cet égard, il peut notamment être relevé que le projet de loi précise expressément que les avantages non-périodiques, les gratifications, les primes de bilan, les frais accessoires occasionnés et les heures supplémentaires ne sont pas pris en compte dans ce calcul (article L. 121-6 (3) alinéa 11).