Le licenciement pour absentéisme habituel

L’employeur doit pouvoir compter sur la présence du salarié sur le lieu de travail. Cependant, le salarié peut être empêché de se présenter sur son lieu de travail pour des raison de santé. Cela ne constitue alors. en principe, pas une faute ni une cause de licenciement. Le salarié bénéficie en outre de la protection contre le licenciement s’il en avertit son employeur le premier jour de son absence et s’il soumet à l’employeur un certificat médical au plus tard le 3ème jour de son absence (’article L.121-6 du Code du travail).

Cependant cette protection n’est pas absolue, en la jurisprudence admettant que l’absentéisme habituel est une cause de rupture du contrat de travail dès lors qu’il perturbe l’organisation et le fonctionnement de l’entreprise : « Les absences pour cause de maladie rangent parmi les risques normaux de toute entreprise et l’absentéisme pour raisons de santé ne peut être une cause de rupture du contrat de travail que lorsque, d’une part, les absences sont longues ou nombreuses et répétées et lorsque, d’autre part, elles apportent une gêne considérable dans le bon fonctionnement de l’entreprise sans certitude ou probabilité d’amélioration de la situation dans un avenir proche. » (CSJ, 11 janvier 2018, 43477).

A noter que dans cette affaire, la Cour d’appel avait considéré que les absences de 152 heures réparties sur 4 périodes en 2013 et de 55 heures sur deux périodes en 2014 n’étaient pas à qualifier d’excessives.

Importance de la désorganisation de l’entreprise du fait de l’absentéisme du salarié

La Cour pose deux conditions pour que l’absentéisme habituel soit considéré comme un motif de licenciement valable à savoir : i) les absences longues et répétées et ii) la gêne considérable dans le fonctionnement de l’entreprise sans certitude ou probabilité d’amélioration dans un avenir proche de sorte à ce que l’employeur ne peut plus compter sur la collaboration régulière et efficace du salarié en question.

Il n’existe pas, à proprement parler, de durée ou de fréquence type pour qualifier l’absence d’un salarié d’absentéisme prolongé : Le juge va apprécier la situation en fonction de la perturbation du service et de la désorganisation de l’entreprise causé par les absences répétées du salarié. Cette perturbation va s’apprécier in concreto : taille de l’entreprise, taches à réaliser par l’employé, fréquence des absences, faculté de remplacement par l’entreprise du salarié …

La Cour a ainsi pu juger un licenciement pour absentéisme habituel valable dans le cas suivant :

« Il découle de ces pièces ainsi que de l’attestation testimoniale de W. que le taux élevé de jours indisponibles en raison des arrêts de maladie, qui se situaient souvent à cheval entre des périodes de repos d’un ou de plusieurs jours, c’est-à-dire à un moment où l’employeur était en principe en droit de s’attendre à la reprise de son travail par le salarié, ont entraîné de nombreux changements de tableau de service et des heures supplémentaires pour les collègues de J., engendrant des coûts financiers supplémentaires pour l’employeur. » (CSJ, 8e, 13 juin 2019, 45150)

La jurisprudence analysera si les absences ne sont d’une telle importance qu’il ne s’agit plus d’un risque normal que l’entreprise doit (CSJ, 3e, 25 avril 2019, CAL-2018-00776).

En plus de la durée et de la fréquence, le juge va également prendre en considération le poste occupé dans l’entreprise et l’importance de la mission accordée au salarié.

De même la jurisprudence, pour un salarié chargé d’une mission importante, a retenu que « S’il est acceptable qu’en cas de courtes absences, l’employeur demande à d’autres collègues de s’acquitter de l’une ou l’autre tâche d’un salarié absent pour incapacité de travail, il ne saurait leur demander de mener à bien, pendant une période de plusieurs semaines, voire mois, la mission qui incombe au salarié absent. » (CSJ, 3e, 25 avril 2019, CAL-2018-00776)

La Cour confirme encore que la désorganisation de l’entreprise est présumée en cas d’absences fréquentes. Il appartient donc au salarié de prouver que son absence n’a pas contribué à la désorganisation de l’entreprise : « en cas d’absences fréquentes d’une importance telle qu’elles ne sont plus à considérer comme un risque normal à supporter par toute entreprise, la perturbation au sein de l’entreprise est présumée et ne doit pas être prouvée par l’employeur ». (CSJ, 8e, 13 juin 2019, 45150).

Prise en compte de la maladie du salarié et de son origine pour la qualification d’absentéisme habituel

La jurisprudence va toutefois prendre en considération l’origine de la maladie.  Ainsi dans certain cas, selon la maladie à l’origine de l’absence du salarié, la jurisprudence va retenir que le risque lié à l’absence du salarié est a supporté par l’employeur et ce peu importe la désorganisation que cette absence entraine pour l’entreprise.

1) Absentéisme lié à l’activité de l’entreprise : exemple de l’accident de travail et du harcèlement moral

Il est admis par la jurisprudence que le licenciement pour absentéisme habituel pour raison de santé n’est pas justifié si la maladie ayant causé les absences anormalement longues a pour origine l’activité professionnelle elle-même du salarié.

Ainsi la Cour a rappelé qu’ « Il convient en effet de faire une différence entre les absences dues à l’état de santé déficient inhérent au salarié et les absences qui ont pour origine un accident du travail ou l’activité professionnelle du salarié, lesquelles ne sauraient justifier un licenciement, étant donné que l’employeur supporte les risques engendrés par l’activité de son entreprise. » (C.S.J., 22 octobre 2020, Numéro CAL-2019-00442 du rôle)

Dans une affaire de harcèlement moral sur le lieu de travail (établie par certificat médicaux), face à un cas d’absentéisme la Cour a retenu « la salariée subissait des actes de violence morale sur son lieu de travail à la base de son absentéisme, auxquels l’employeur aurait dû remédier. » et a jugé le licenciement abusif. (CSJ, 19 avril 2018, n°44623 du rôle)

Ainsi lorsque la maladie ayant pour conséquence l’absentéisme du salarié trouve son origine directe dans l’activité de l’entreprise dans laquelle il est employé, la jurisprudence refuse la qualification d’absentéisme habituel.

2) Probabilité d’amélioration de la situation dans un avenir proche : exemple d’absentéisme lié à la complication de grossesse

La jurisprudence a admis dans un cas ou l’absence fréquente d’un employé causait une désorganisation de l’entreprise que ces « absences de M. liées aux complications de ses grossesses ne remplissent pas les conditions d’un absentéisme habituel justifiant un licenciement. En effet, même si les absences ont été nombreuses et ont pu causer une désorganisation au sein du service auquel la salariée était affectée, toujours est-il que les absences étaient uniquement liées à un état pathologique résultant de la grossesse et qu’il n’est dès lors pas établi que l’employeur n’aurait plus pu compter sur une collaboration suffisamment régulière de la salariée pour les nécessités du fonctionnement de l’entreprise au moment du retour de cette dernière de son congé parental. » (CSJ, 8e, 11 juillet 2019, CAL-2018-00686)

On retrouve ici l’idée selon laquelle pour qu’il est absentéisme habituel il ne faut pas qu’il puisse subsister une « probabilité d’amélioration de la situation dans un avenir proche », à savoir une forte probabilité que l’employé ne soit plus absent dans un avenir proche.